
Le nouveau texte était entré en vigueur le 1er juin dernier (voir notre article à ce sujet du 11 avril 2022) … avant d’être suspendu deux jours après.
L’Agence NOMADE revient sur cet “imbroglio juridique“.
RAPPEL
Selon le texte litigieux, applicable aux personnes physiques comme morales, pour louer un logement aux touristes, dans l’une des 24 communes du pays basque, il fallait en proposer un autre (principe de compensation) à la location à l’année. Ce bien de compensation devait être un local non dévolu à l’habitation (bureau, commerce, …) qui devait être transformé en appartement à usage d’habitation. En outre, il devait être de surface au moins équivalente à celui faisant l’objet de la location saisonnière et être situé dans la même commune.
Deux dérogations étaient prévues (uniquement pour les personnes physiques) :
- les locations de forme mixte qui associent la location étudiante durant neuf mois minimum et la location en meublé touristique durant la période estivale de trois mois,
- les meublés de tourisme issus d’une division de la résidence principale et donc situés dans l’enveloppe bâtie de cette même résidence (dans la limite d’un logement par propriétaire).
Le système de compensation n’ayant pas d’effet rétroactif, les autorisations temporaires de changement d’usage déjà délivrées restent valables pour toute leur durée de validité, soit trois ans.

VENDREDI 3 JUIN : UN RÉFÉRÉ SUSPEND LA NOUVELLE RÈGLEMENTATION
Le tribunal administratif de Pau, saisi début mai d’un référé-suspension formé par un collectif de plus de 50 requérants, propriétaires et sociétés de conciergerie, a estimé dans son ordonnance qu’il existait un “doute sérieux” sur la légalité de la nouvelle réglementation en vigueur depuis mercredi 1er juin.
Il juge que la mesure de compensation, qui oblige les propriétaires à produire, dans la même ville et avec une surface équivalente, un bien sur le marché locatif à l’année pour compenser un logement transformé en meublé touristique, “est susceptible de méconnaître le principe de proportionnalité“.
Le tribunal a également jugé que le nouveau texte ne pouvait pas être respecté, étant donné “la rareté voire l’inexistence de locaux éligibles à la compensation” dans les 24 communes basques classées en zone tendue. Les éléments produits par la Communauté d’Agglomération Pays Basque (CAPB) “ne permettent pas d’établir que la pénurie alléguée serait d’une telle ampleur qu’elle ferait obstacle à ce que de nombreuses personnes puissent se loger“, a également estimé le tribunal palois.
“C’est un immense soulagement pour eux car ils avaient retiré leurs annonces des plateformes depuis mercredi et il y avait un risque de licenciements économiques“, a réagi Maître Victor Steinberg, avocat du collectif requérant.
EN ATTENTE D’UNE AUDIENCE STATUANT SUR LE FOND
Après ce référé-suspension, moyen d’urgence fondé sur la forme de la délibération, une audience au fond, sur le contenu même de la mesure et sur sa légalité, aura lieu dans les prochains mois (mais pas a priori avant début 2023 …).
De son côté, le président de la CAPB et maire de Bayonne Jean-René Etchegaray a vivement réagi lors d’une conférence de presse, jugeant cette ” décision cataclysmique ” en faveur de “ces pauvres sociétés civiles immobilières qui ont explosé ces deux dernières années dans un but purement lucratif“.
Les élus de l’agglomération estimant que cette décision était un “message très négatif envoyé à la population“, ont annoncé qu’ils allaient “se pourvoir devant le Conseil d’État“. La CAPB dénonce le fait que “l’intérêt de quelques uns (a) gagné sur l’intérêt général” : une notion qui a toute son importance car une collectivité peut en effet limiter le droit de propriété s’il agit dans l’intérêt général.
En attendant la deuxième manche, les partisans des mesures coercitives constatent tout de même un effet positif, “celui de stopper l’hémorragie, car tant que les recours n’ont pas été examinés sur le fond, aucun investisseur ne se risquera à racheter des logements destinés à l’habitation pour les transformer en meublés de tourisme permanents“, pointe l’association ALDA (“changer “en basque”).
Source “Le Figaro” du 9 juin 2022
